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Lettre pastorale de Mgr Pascal ROLAND à l’occasion de la fête de la Pentecôte 2013.

Laissons-nous conduire par l’Esprit

Chers amis, 1. Il y a cinq mois, alors que nous entrions dans une nouvelle année liturgique, je vous avais adressé une première lettre pastorale pour vous encourager à progresser dans la foi et dans le témoignage. Je vous avais invités à méditer le récit de l’appel des premiers disciples (Jean 1, 35-51), soulignant que l’évangélisation s’origine dans la rencontre du Dieu vivant en la personne de Jésus. Alors que nous célébrons maintenant la Pentecôte, je vous invite à une nouvelle méditation, toujours à resituer dans le contexte de l’année de la foi, mais également dans la dynamique du rassemblement national Diaconia (Servons la fraternité) et l’élan imprimé par le rassemblement diocésain de Pentecôte 2012. 2. Je souhaite réfléchir avec vous sur l’événement de la Pentecôte et sur ce que celui-ci implique pour nous. Le sens de Pâques ne s’arrête pas à la résurrection du Christ, puisque la liturgie fait durer le temps pascal pendant cinquante jours, au terme desquels nous célébrons le don de l’Esprit Saint. Celui-ci mène à sa perfection ce que le Christ a fait pour nous en mourant et ressuscitant. « Pour accomplir jusqu’au bout le mystère de la Pâque, tu as répandu aujourd’hui l’Esprit Saint sur ceux dont tu as fait tes fils en les unissant à ton Fils unique », dit la préface de la Pentecôte. Saint Séraphim de Sarov, un grand maître de la tradition orientale, a affirmé que « Le but de la vie chrétienne, c’est l’acquisition du Saint-Esprit ». S’il faut accueillir le Saint-Esprit et se laisser conduire par lui, c’est parce que celui-ci, comme écrit saint Irénée de Lyon, « nous adapte à Dieu ». La célébration de la Pentecôte vise à nous rendre plus réceptifs à cet hôte intérieur qui « veut ce que Dieu veut » (Romains 8, 27) et nous accoutume à vivre selon les valeurs universelles et éternelles proposées par Dieu et non selon les critères subjectifs et changeants de la société ambiante. 3. Il est important de commencer par resituer la fête de la Pentecôte dans ses racines juives, car avant d’être une fête chrétienne, la Pentecôte est l’une des trois grandes fêtes juives pour lesquelles on se rend en pèlerinage à Jérusalem. A l’origine, c’est une fête agricole marquant la fin des moissons, comme pendant de la fête de la Pâque, la fête de printemps, qui célèbre le début des moissons. Elle est donc caractérisée par un mouvement de reconnaissance joyeuse du peuple de Dieu, qui rend grâce pour les fruits de la terre, dans lesquels il reconnaît d’abord un don du Créateur. Plus tard, cette fête s’est enrichie d’un sens nouveau. Tandis que la Pâque commémore la sortie de l’esclavage en Egypte, la Pentecôte célèbre l’achèvement de cette libération par le don de la Loi de Moïse au Mont Sinaï : Dieu donne la Loi pour former à la liberté. La mise à jour des racines juives de la Pentecôte souligne le fond de reconnaissance joyeuse au Dieu qui donne la vie et rend libre.

Dieu donne la Loi pour former à la liberté 4. Je vous invite à relire l’événement de la Pentecôte chrétienne, tel que saint Luc nous le rapporte dans les Actes des Apôtres (Actes 2, 1-11). « Ils se trouvaient réunis tous ensemble… Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint ». Commençons par noter que l’Esprit Saint est donné aux Apôtres rassemblés. C’est l’Eglise dans son ensemble qui reçoit le don de l’Esprit Saint. Cependant « Chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit ». Car celui-ci répartit des dons différents et complémentaires, comme l’explique saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens (12, 4-30) : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous. Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. ». 5. « Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d’eux les entendait parler sa propre langue ». La manifestation de l’Esprit Saint provoque le rassemblement de l’humanité autour des Apôtres et de l’attestation du Christ mort et ressuscité. Les nombreux étrangers, venus de toutes les régions du monde sont tous stupéfaits d’entendre les Apôtres proclamer dans leur propre langue les merveilles de Dieu. L’Esprit Saint continue de nous communiquer ses dons pour rejoindre ceux qui parlent d’autres langues. Demandons-nous qui sont les Parthes, Mèdes et Elamites d’aujourd’hui, qui, ignorant Jésus, méconnaissent Dieu et son projet sur l’humanité. Laissons-nous conduire par le souffle de Pentecôte pour parler leur langue maternelle, c’est-à-dire trouver les attitudes appropriées et les mots justes, afin de leur annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus et manifester la joie et la paix que procure l’amitié avec Jésus ressuscité. Il s’agit d’être patients, bienveillants, humbles et bons, pour manifester la miséricorde de Dieu et de savoir rendre compte de l’espérance qui nous habite. N’oublions pas que le pape Jean-Paul II avait écrit que le grand défi du XXIe siècle était celui de la communion et que l’Eglise devait précisément être la maison et l’école de la communion. L’Esprit Saint assure la communion dans le respect de la différence 6. « Chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit… Chacun d’eux les entendait parler sa propre langue ». L’Esprit Saint assure la communion dans le respect de la différence. Pour signifier ce mystère, saint Paul prend la comparaison du corps : « Notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ (…) Tous nous avons été désaltérés par l’unique Esprit » (I Corinthiens 12, 12-13). Grande est la tentation de confondre l’unité avec l’uniformité ; de rechercher la fusion au lieu de la communion ! Or l’expérience montre que toute élimination de la différence mène à la confusion et à la stérilité ; que l’uniformité et la fusion conduisent à la mort. C’est vrai biologiquement, socialement et spirituellement. Le refus de l’autre sexe a pour conséquence l’infécondité ; le refus du mariage hors de la tribu conduit à la dégénérescence et à l’extinction de celle-ci ; le refus de la rencontre et du dialogue avec une autre culture limite les horizons et condamne à une simple répétition mortifère. En fin de compte, l’exclusion de celui qui dérange par sa différence, de quelque nature qu’elle soit (personne d’un autre sexe, d’une culture différente, d’une autre religion, personne marquée par un handicap, etc.) n’est-elle pas l’expression du refus de Dieu lui-même ? Car Dieu est Celui qui est à la fois absolument différent (il est Créateur, je suis créature) et qui, en même temps, se fait mon semblable, mon frère, en la personne de Jésus-Christ. Si notre monde contemporain éprouve tant de mal à vivre la communion dans le respect des diversités, n’est-ce pas fondamentalement parce qu’il n’accueille pas le Dieu Un et Trine ? Le Dieu qui est lui-même communion et différence : un seul Etre en trois personnes se définissant par les relations qu’elles ont entre elles. 7. L’Esprit établit la communion entre nous en nous mettant ensemble en communion avec Jésus, le Fils Unique, et par lui, avec le Père. « Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Romains 8, 14). En se communiquant à nous, l’Esprit Saint nous communique l’amour trinitaire et nous rend capables d’aimer de l’amour même dont nous sommes aimés. Telle est la nouvelle Loi qui est inscrite en nos cœurs. Les esclaves sont mus par un ordre étranger et extérieur. Mais nous sommes vivifiés, animés, conduits par l’amour divin. Si nous nous laissons inspirer et guider par l’Esprit de Dieu, reçu au Baptême et à la Confirmation, nous ne sommes plus esclaves de ce qui peut nous fasciner et nous posséder, mais nous sommes rendus capables d’accomplir de belles et grandes choses (voir Jean 14, 12). Dans les années 60, le pape Jean XXIII appelait une « nouvelle pentecôte d’Amour ». Les papes Jean-Paul II et Benoit XVI nous demandaient souvent de collaborer à l’avènement de « la civilisation de l’Amour ». Aujourd’hui, le pape François annonce que « l’Eglise est appelée à sortir d’elle-même et à aller vers les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi existentielles : celles du mystère du péché, de la douleur, de l’injustice, celles de l’ignorance et de l’indifférence religieuse, celles de la pensée, celles de toute forme de misère ». Accueillons l’Esprit Saint ! Obéissons-lui généreusement ! C’’est ainsi qu’adviendra la véritable civilisation de l’Amour. † Pascal ROLAND Evêque de Belley-Ars

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