Carême 2014, lettre pastorale de Mgr Pascal Roland

lettre de Monseigneur Pascal Roland, évêque de Belley-Ars, à ses diocésains, à l’occasion de l’entrée en carême 2014.

« Proclamez la Bonne Nouvelle ! » (Marc 16, 15)

En ce Mercredi des Cendres, jour où commence notre marche vers Pâques, Mgr Pascal Roland nous adresse une lettre pastorale pour nous inviter à proclamer la Bonne Nouvelle !

Chers amis,

1. Par cette quatrième lettre pastorale je suis heureux de vous rejoindre à nouveau. Cette fois-ci pour préciser quelques grandes orientations et vous aider à voir dans quel sens avancer. Puisque le temps du carême nous renvoie, d’une part aux 40 ans de traversée de désert du peuple hébreu ; d’autre part aux 40 jours de Jésus au désert, il me semble bon, en effet, de rappeler la mission que Dieu nous donne ; de discerner le chemin à emprunter, d’identifier les tentations à combattre ; de soutenir votre espérance. Cette lettre présuppose la lecture de la récente exhortation apostolique du Pape François [1]. Si par hasard vous ne l’aviez déjà fait, il est urgent d’en prendre connaissance ! Les propos que je vous adresse sont enracinés dans ma propre expérience de disciple du Christ et d’apôtre du Seigneur, car je ne peux vous donner que ce que je reçois ; d’où la référence explicite à cette expérience.

2. La devise épiscopale que j’ai reçue dans la prière, lors de l’appel à l’épiscopat - Proclamez la Bonne Nouvelle ! – constitue une première indication. Il s’agit, non seulement pour moi, dans ma responsabilité propre, mais également pour vous tous au service desquels j’exerce mon ministère, de répondre au commandement du Seigneur Ressuscité, qui nous charge de faire connaître l’Evangile à tous. Les papes récents n’ont cessé de nous signifier l’urgence d’une annonce renouvelée de la Bonne Nouvelle ; à commencer par Paul VI, qui écrivait : « Nous voulons confirmer une fois de plus que la tâche d’évangéliser tous les hommes constitue la mission essentielle de l’Eglise, tâche et mission que les mutations vastes et profondes de la société actuelle ne rendent que plus urgentes. Evangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. » [2]

3. Ensuite, marqué par mon passé de professeur de christologie, j’ai le réflexe de recentrer l’attention sur la personne du Christ. Et j’aime faire référence à la lettre que le pape Jean-Paul II nous a adressée au moment d’entrer dans le troisième millénaire, parce qu’il nous invite à repartir inlassablement de la personne du Christ : « Il ne s’agit pas d’inventer un nouveau programme. Le programme existe déjà : c’est celui de toujours, tiré de l’Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu’il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l’histoire jusqu’à son achèvement dans la Jérusalem céleste. C’est un programme qui ne change pas avec la variation des temps et des cultures, même s’il tient compte du temps et de la culture pour un dialogue vrai et une communication efficace. Ce programme de toujours est notre programme pour le troisième millénaire. » [3]

4. Ma longue expérience d’accompagnement spirituel, particulièrement dans le cadre de retraites de fondation spirituelle, à l’école de saint Ignace, me fait insister aussi sur la dimension de rencontre personnelle dans la prière. C’est pourquoi, comme le pape François, « je ne me lasserai jamais de répéter ces paroles de Benoît XVI qui nous conduisent au cœur de l’Evangile : à l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » [4]. Et je vous relaye la demande pressante du successeur de Pierre : « J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. » [5]

5. Il m’importe, ensuite d’entretenir l’Espérance. La publication, sept mois après mon ordination épiscopale, de l’exhortation post synodale Pastores Gregis, sur l’évêque, serviteur de l’évangile de Jésus Christ pour l’espérance du monde, a constitué ma feuille de route. Dans celle-ci, le pape Jean-Paul II expose les responsabilités des évêques avec l’Espérance pour fil rouge, « Car l’espérance, spécialement en des temps d’incroyance et d’indifférence croissantes, est un véritable soutien pour la foi et un précieux stimulant pour la charité. Elle tire sa force de la certitude de la volonté salvifique universelle de Dieu et de la constante présence du Seigneur Jésus, l’Emmanuel qui demeure toujours avec nous jusqu’à la fin du monde. » [6] De son côté le pape François dénonce la perte de confiance dans l’action de l’Esprit Saint et le manque de zèle que cela entraine, lorsque nous sommes dans le désert. Aussi nous exhorte-t-il : « Ne nous laissons pas voler l’espérance ! » [7]

« La figure de Jésus Bon Pasteur est l’image privilégiée à laquelle on doit sans cesse se référer. » Jean-Paul II, Pastores Gregis, n° 1 Vitrail d’Albert Gerrer, Chapelle de la Maison Saint-Anthelme, Belley, 1935 (Photo : SDAS)

6. Responsable de la formation de futurs prêtres durant plus de dix ans, je suis particulièrement sensible à la mission irremplaçable des prêtres. Mais j’ai toujours refusé de me laisser prendre au piège de la question du nombre, rappelant que dans l’Evangile Jésus ne fixe pas de règle précise quant à la répartition des prêtres, ni en fonction de la superficie d’un territoire, ni en fonction du nombre d’habitants ou encore de « pratiquants ». Lorsqu’on me parle de manque de prêtres, j’invite à s’interroger sur le critère d’appréciation de ce manque : est-ce par rapport à un passé idéalisé ? Est-ce par désir de confort ? Et, citant la remarque d’un missionnaire rentrant d’un long séjour en Afrique : « Chez vous il y a beaucoup de baptisés mais pas beaucoup de chrétiens ! », j’interroge : est-ce qu’on ne manquerait pas d’abord d’authentiques disciples du Christ, puisque c’est parmi eux que naissent et grandissent les vocations consacrées ? Au passage je souligne avec Jean-Paul II que « Le ministère ordonné est radicalement de nature communautaire et ne peut être rempli que comme œuvre collective » [8] et j’indique le vaste chantier qui s’ouvre aux prêtres pour vivre et travailler ensemble davantage selon la fraternité sacramentelle qui les unit.

7. Par ailleurs, bientôt 35 ans d’expérience pastorale m’enseignent que nous ne traversons pas une crise mais que nous vivons un changement sociétal. Prenant acte de ce profond changement, je me refuse à regretter un passé largement idéalisé et renonce à l’idée de reproduire un mode de fonctionnement qui n’est ni réaliste ni adapté à la situation présente. Il est clair que la paroisse française du XXIe siècle ne peut pas fonctionner suivant le modèle de celle des siècles précédents, car les repères sociaux ne sont plus les mêmes ; par exemple l’habitat majoritairement urbain, la promotion sociale, la mobilité professionnelle, le développement des communications, pour ne citer que ceux-là ! C’est dans ce monde concret que nous vivons ; c’est celui-ci que Dieu aime, et c’est lui qui est destinataire de l’Evangile.

8. Comme le cardinal André Vingt-Trois [9], je lutte contre les tentations de facilité dictées par le seul objectif nostalgique de maintenir un mode de fonctionnement connu et rassurant : le recrutement international des prêtres de manière intensive, la réduction idéologique des exigences du sacerdoce (ordination d’hommes mariés, voire de femmes) et enfin la réduction du ministère sacramentel à un système fonctionnel de management. Il est certes impressionnant de s’engager sur une terre inconnue, avec des moyens modestes. Mais l’Esprit Saint nous appelle à l’aventure missionnaire pour annoncer la Bonne Nouvelle à ceux et celles qui ne la connaissent pas et qui sont aujourd’hui majoritaires ! A vrai dire, je ne suis pas tant préoccupé par les 10 brebis, esclaves d’une logique de consommation, qui réclament un prêtre pour bénéficier d’une messe dominicale à leur porte et à l’heure qui leur convient, que par les 90 autres brebis avec qui nous n’avons pas de contact habituel ! Il est plus fidèle au Christ de dépenser l’essentiel de nos forces à la recherche des brebis perdues (Jean 10, 16). Ainsi je constate qu’il est des champs missionnaires importants, où nous ne sommes pas assez investis. Par exemple les aumôneries scolaires, les écoles catholiques, les loisirs de jeunes, la préparation au mariage et l’accompagnement des jeunes couples, les aumôneries d’hôpitaux… et je souhaite ardemment que nous y soyons davantage présents. Je déplore aussi que nous ne soyons pas plus solidaires avec les diocèses démunis. Il est regrettable qu’un regard étroit nous fasse imaginer des stratégies volontaristes à court terme, oubliant que l’Esprit Saint est le Maître de l’évangélisation.

Des champs missionnaires importants : aumôneries scolaires et hospitalières, écoles catholiques, préparation au mariage. (Photo : Enseignement Catholique)

9. Mon premier objectif est donc de mobiliser l’ensemble des baptisés. Le concile Vatican II et l’enseignement qui a suivi nous ont rappelé que tous les baptisés sont responsables de l’évangélisation et précisé que le terrain spécifique de la mission des laïcs est le monde des réalités temporelles du quotidien. Il est en effet plus nécessaire pour les laïcs d’être engagés par exemple dans les associations familiales ou dans une équipe municipale ou bien encore d’organiser l’accueil de jeunes femmes tentées par l’avortement, de visiter des malades, que de se préoccuper de faire tourner une institution centrée sur elle-même. Le pape François ne cesse pas de nous appeler à changer de logique. Il ne s’agit pas d’attendre que les gens viennent à nous, mais de sortir à leur rencontre : « Nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Evangile. » [10] Vous l’avez bien saisi, l’avenir ne réside pas dans des réformes organisationnelles, mais dans un renouveau missionnaire qui passe par la conversion de chacun !

+ Pascal ROLAND Evêque de Belley-Ars

Blason de Mgr Roland

PDF - 1.8 Mo Lettre pastorale - Carême 2014 [1] Exhortation apostolique Evangelii Gaudium (la joie de l’Evangile) sur l’annonce de l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui, 24 novembre 2013

[2] Paul VI, exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n° 14

[3] Jean-Paul II, Novo Millennio ineunte, n° 29

[4] Evangelii Gaudium, n° 7

[5] Evangelii Gaudium, n° 3

[6] Jean-Paul II, Pastores Gregis, n° 3

[7] Evangelii Gaudium, n° 86

[8] Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, n° 17

[9] Conférence du 12 septembre 2013 au congrès des nouveaux évêques, à Rome

[10] Evangelii Gaudium, n° 20

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